Vincent ROUSSEL

enseignant

       
       
               
                   
 

Vincent Roussel, professeur agrégé de mathématiques, actuellement à la retraite

Il est le président de l’association Non-violence actualité, Centre de Ressources sur la gestion non-violente des relations et des conflits. Il a rédigé notamment un livret pédagogique de quinze activités pédagogiques qui accompagne l’exposition « la non-violence s’affiche » destiné à développer la prévention des violences et l’éducation relationnelle dans le troisième cycle de l’école primaire. Il rédige actuellement un livret d’accompagnement d’une exposition concernant le collège. Site : www.nonviolence-actualie.org

Vincent Roussel est également depuis dix ans Responsable de la « Commission éducation » de la Coordination française pour la Décennie (2001-2010) proclamée par l’ONU, « Décennie de la promotion d’une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde ». Cette Coordination réunit actuellement 83 associations membres et a reçu le soutien de plus de 130 personnalités membres de son Comité de parrainage. La commission éducation est chargée de favoriser l'éducation à la non-violence et à la paix dans l'enseignement et dans la société. Site www.devennie.org et www.ecole-nonviolence.org

 


 

Comment éduquer sans violence ?


Eduquer sans violence et éduquer à la non-violence

La Coordination française pour la Décennie a adopté lors de son Assemblée générale du 18 avril 2009, une Résolution par laquelle les 83 associations membres prennent position en faveur d'une éducation familiale et scolaire sans violence : « …Elles demandent au gouvernement et au parlement français d'adopter une loi qui introduise dans le Code civil l'obligation d'une éducation des enfants sans violence, en prohibant en particulier les châtiments corporels et les traitements humiliants dans l'éducation familiale. Elles demandent également que cette loi prévoit la mise en place de campagnes de sensibilisation de l'opinion publique sur ce thème, ainsi que la mise en œuvre d'une politique nationale en faveur de l'aide à la parentalité pour permettre aux parents et à tous les adultes de s'informer sur les principes de l'éducation positive et les moyens de sa mise en œuvre… »
Cette demande adressée au gouvernement et au parlement français s'inscrit dans la campagne lancée par la Coordination internationale pour la Décennie, en vue de l'adoption à l'UNESCO,… d'une déclaration sur le droit des enfants à une éducation sans violence et à une éducation à la non-violence.

L’éducation sans violence et l’éducation à la non-violence sont en fait les deux faces d’une seule et même exigence. L’abolition des châtiments corporels dans l’éducation ne peut advenir sans l’apprentissage simultanément des compétences qui permettent de résoudre de façon non-violente les conflits nés dans la mise en œuvre de la tâche éducative. Marshall Rosenberg (Les mots sont des fenêtres) donne cet exemple d’un directeur d’école élémentaire qui, voyant un grand battre un plus petit, se précipite et vient lui donner une gifle en lui disant : « Je vais t’apprendre, moi, à battre un plus petit que toi ». Ayons conscience que par notre comportement nous façonnons les comportements des enfants, bien davantage que par nos paroles. L’éducation des enfants aux comportements non-violents exige d’adopter la non-violence dans nos méthodes éducatives. Dans le cas contraire, l’enfant comprendrait vite que pour obtenir satisfaction de ses besoins légitimes, la violence est tout à fait légitime.

L’éducation à la non-violence part du postulat que les comportements humains sont éducables et que l’éducation des enfants à la non-violence, pour être pertinente et efficace doit commencer dès leur plus jeune âge.

L’adulte doit apprendre la non-violence pour l’appliquer dans sa tâche éducative et développer une éducation sans violence. Mais l’exigence va au delà. Il s’agit également d’éduquer les enfants à la non-violence, et cela pour deux raisons : la première c’est qu’une fois adulte l’enfant sera former pour, à son tour, être capable d’éduquer sans violence ses propres enfants ou ses élèves. Mais surtout parce que les enfants doivent apprendre dès maintenant à développer des relations pacifiées entre eux. Quand la Convention Internationale des Droits de l’enfant invite les états à prendre les mesures éducatives appropriées « pour protéger l’enfant contre toutes formes de violence, d’atteintes ou de brutalité physiques ou mentales… », il s’agit bien de toutes les violences, qu’elles soient le fait d’adultes ou d’autres enfants. Il s’agit de développer une prévention des violences entre enfant (en particulier en milieu scolaire) par l’éducation à la non-violence.


Les bases d’une éducation à la non-violence

L’éducation à la non-violence se propose de transmettre à l’apprenant des compétences psycho-sociales, c’est-à-dire habiletés personnelles, émotionnelles, relationnelles, sociales et citoyennes qui lui permettent de contribuer positivement au bien vivre-ensemble et de s’y épanouir. Depuis une quinzaine d’année, un certain nombre de « programmes pour le développement des compétences psychosociales » ont été élaborés, évalués et mis en application dans des écoles au Québec, en Belgique, en Suisse et également en France, pour ce qui concerne les pays francophones.

Cette éducation est centrée sur la notion de conflit. L’aptitude à résoudre ses conflits de façon non-violente est une compétence complexe, qui mobilise bien d’autres compétences. Pour l’aborder, l’enfant doit par exemple apprendre à identifier ce qu’il ressent dans différentes situations (les émotions et les sentiments), à apaiser ses émotions (la colère, la peur, la tristesse), à exprimer ce qu’il pense et ce qu’il ressent (la communication), à être attentif à l’autre pour entendre et comprendre ce qu’il lui dit (l’écoute), à comprendre et à respecter l’autre dans ce qu’il vit (l’empathie), à connaître sa propre valeur (l’estime de soi) à trouver beaucoup d’idée pour résoudre le conflit (la créativité dans la recherche de solutions). Bien d’autres apprentissages encore sont nécessaires : la coopération avec l’autre pour la recherche de solution (la négociation), la recherche d’aide auprès d’un tiers (la médiation), le recours à la règle écrite, à la loi, la connaissance des mécanismes de la violence (le mimétisme et l’escalade). Il s’agit également de travailler sur les différentes situations génératrices de conflit : les discriminations, la relation amoureuse, les inégalités, les moqueries, les rumeurs, les malentendus, etc.

Comment travailler ces compétences ? Des apports théoriques sont utiles, mais cet apprentissage doit d’abord utiliser des méthodes actives. Celles-ci permettent un travail en profondeur à partir de cette matière première qui est « le vécu de l’enfant ». Ces méthodes permettent également à l’enfant d’expérimenter des situations, en toute sécurité, pour mieux connaître ses propres réactions et apprendre les comportements les mieux adaptés. Il s’agit en quelque sorte de travaux pratiques. Par exemple : pour apprendre la coopération, les élèves sont mis en situations de coopération, en petits groupes, pour résoudre un problème, une énigme ou réaliser une œuvre commune. L’apprentissage se façonne lors du temps suivant, consacré à la réflexion sur la manière dont les choses ont été vécues. Les enfants sont invités à expliquer comment ils ont procédé, à dire comment, émotionnellement, ils ont vécu l’exercice, et à imaginer comment ils auraient pu améliorer l’efficacité de leur coopération. Apprendre à respecter les conditions d’une bonne communication ou à être médiateur se fait par des mises en situations, etc.

L’apprentissage du sens de la loi/transgressions/sanctions et la participation concrète à son élaboration ou à son ajustement est un pôle important de l’éducation à la non-violence. Notons que la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005 donne pour la première fois une reconnaissance juridique officielle du règlement intérieur des établissements en l’inscrivant dans le code de l’éducation. Elle le fait en ces termes : « Dans chaque école et établissement d'enseignement scolaire public, le règlement intérieur précise les conditions dans lesquelles est assuré le respect des droits et des devoirs de chacun des membres de la communauté éducative. » Le règlement intérieur est un document normatif repensé en termes de droits et des devoirs qui en découlent. Il doit être également un document pédagogique essentiel à l’apprentissage concret de la citoyenneté puisqu’il est la première loi officielle à laquelle l’enfant est confronté pendant au moins une dizaine d’années.


Conclusion

Un tel apprentissage réalisé dès le plus jeune âge est un élément important de la prévention des violences en milieu scolaire ou familiale et sur l’espace public. Il donne également à l’enfant des ressources pour faire face à toute sorte de situations stressantes, non conflictuelles (un deuil, une entrevue avec le directeur de l’école, etc.) ou pour s’adapter à un environnement nouveau (séjour chez un correspondant étranger, déménagement, etc.)
Enfin les compétences acquises sont des atouts majeurs dans tous les secteurs de sa vie adulte : conjugale, familiale, professionnelle, etc.



 

 

     
         

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