Elda MORENO

Conseillère Spéciale du Secrétaire Général

et de la Secrétaire Générale Adjointe du Conseil de l'Europe

       
           
             

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

Juriste espagnole, Elda Moreno est Conseillère Spéciale du Secrétaire Général et de la Secrétaire Générale Adjointe du Conseil de l’Europe. Ses responsabilités incluent les sujets liés aux droits de l’enfant, l’égalité homme-femme, la migration, la société d’information et la réforme du Conseil de l’Europe.

Sous l’impulsion de la Secrétaire Générale Adjointe Maud de Boer-Buquicchio, Elda Moreno créa en 2004 les bases du programme « Construire une Europe pour et avec les enfants » qu’elle dirige entre 2005 et 2010. Elle est à l’origine du lancement de trois campagnes (contre les châtiments corporels, contre la violence sexuelle et pour les droits de l’enfant), ainsi que des textes importants dans les domaines de la justice, la santé, Internet, la lutte intégrée contre la violence ou la promotion de la participation des enfants.

En plus d’espagnol, Elda Moreno parle anglais, français et allemand. Mariée à un juriste allemand, elle est mère de deux garçons nés en France.

 

 

 

 

 

L’abolition des châtiments corporels : un impératif juridique

 

Elda Moreno,

Conseillère Spéciale du Secrétaire Général et de la Secrétaire Générale Adjointe du Conseil de l’Europe

 

La dignité de tout individu est le principe directeur fondamental du droit
international en matière de droits de l'homme. L’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme commence d’ailleurs ainsi: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits…» Les enfants ont, au même titre que les adultes, le droit au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique, et à la protection de la loi. En vertu des instruments internationaux et régionaux de droits de l'homme, les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe ont l’obligation juridique de réformer leur législation et de prendre des mesures éducatives et autres pour interdire et éliminer tous les châtiments corporels infligés aux enfants.

L’Europe a bien avancé: 22 pays ont aboli les châtiments corporels, et huit autres au moins se sont engagés à effectuer une réforme complète.

Le Comité des droits de l’enfant, organe de contrôle de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, a souligné que les droits de l'homme exigent l’élimination de tout châtiment corporel, même léger, et de tout autre châtiment cruel et dégradant. Dans une observation générale parue en 2006, le comité définit les châtiments corporels ou physiques de la manière suivante:

«tout châtiment impliquant l’usage de la force physique et visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément, aussi léger soit-il. (…) De l’avis du comité, tout châtiment corporel ne peut être que dégradant. En outre, certaines formes non physiques sont également cruelles et dégradantes, et donc incompatibles avec la convention. A leur nombre figurent, par exemple: les châtiments tentant à rabaisser, humilier, dénigrer, prendre pour bouc émissaire, menacer, effrayer ou ridiculiser l’enfant.»

L’élimination de tous les châtiments corporels à l’égard des enfants exige une combinaison de réformes juridiques explicites, des politiques de protection et de prévention et d’autres mesures, surtout éducatives, pour amener la société à ne plus accepter les punitions violentes et humiliantes.

L’interdiction en droit est essentielle mais elle n’est pas suffisante pour respecter les droits fondamentaux des enfants. Les professionnels qui travaillent avec les enfants, les parents, les enfants eux-mêmes et la société dans son ensemble doivent être informés des lois et du droit des enfants à la protection.

 

 

Les principales étapes de l’abolition – Théorie et pratique

 

Réforme juridique

• Faire en sorte qu’il n’existe pas d’exception, dans la loi ou dans la jurisprudence, qui justifie des châtiments corporels infligés par les parents ou d’autres personnes;
• Veiller à ce que le droit pénal en matière d’agressions s’applique également aux voies de fait punitives sur les enfants;
• Adopter une interdiction expresse de tous les châtiments corporels et de tous les autres châtiments ou traitements dégradants ou humiliants des enfants, généralement dans le droit civil et concernant tous les contextes de la vie des enfants;
• Apporter une aide sur la bonne application de ces lois privilégiant la protection et la promotion des droits fondamentaux des enfants en général et les intérêts supérieurs des enfants touchés en particulier.

 

Sensibilisation

• Sensibiliser de manière globale à l’interdiction de tous les châtiments corporels et autres traitements inhumains et dégradants et humiliants des enfants, tous ceux qui vivent et travaillent avec eux ainsi que l’opinion publique;
• Sensibiliser de manière globale aux droits humains des enfants, y compris le droit au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique.

 

Réforme des politiques

• Veillez à ce que des systèmes globaux de prévention de la violence et de la protection des enfants soient mis en oeuvre à différents niveaux;
• Veillez à ce que les châtiments corporels et toute autre forme de discipline dangereuse et humiliante pour les enfants dans le cadre familial entrent dans la définition de la violence domestique ou familiale, et que les stratégies pour éliminer la violence punitive à l’égard des enfants soient élaborées comme des stratégies de lutte contre la violence domestique ou familiale;
• Veillez à ce que les tribunaux familiaux et d’autres secteurs du système judiciaire soient sensibilisés aux besoins des enfants et de leur famille;
• Renforcer les capacités des personnes qui travaillent avec les enfants et leur famille;
• Promouvoir des formes positives et non violentes d’éducation des enfants, de règlements des conflits et de pédagogie auprès des futurs parents, des parents et des autres intervenants, des enseignants et de la population en général;
• Veillez à ce que des conseils et un soutien adéquats soient offerts à tous les parents et en particulier à ceux pour lesquels l’éducation des enfants est éprouvante;
• Veillez à ce que les enfants aient accès à des conseils et de l’aide confidentielle ainsi qu’à des avocats pour dénoncer la violence à leur égard;
• Assurer des formes efficaces et adéquates de protection des enfants
pouvant être particulièrement vulnérables aux châtiments dangereux et humiliants, par exemple les enfants handicapés;
• Veillez à ce que les enfants et les jeunes aient la possibilité d’exprimer leurs opinions et de participer à l’élaboration des actions et à des initiatives visant à éliminer les châtiments corporels;
• Contrôler l’effectivité de l’abolition en menant des études régulièrement sur les expériences de violences vécues par les enfants dans leur cadre familial, scolaire et dans d’autres cadres, ainsi que sur celles qu’ils vivent avec les services de protection de l’enfance. Evaluer aussi les conséquences de l’abolition sur les services de protection de l’enfance et sur les parents.

 

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