Catherine SCHMIDER

formatrice en Communication NonViolente, sophrologue

       
           
             

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

Catherine Schmider, formatrice certifiée en Communication NonViolente et sophrologue.
Après avoir été enseignante en éducation physique et sportive, puis responsable d’une école de parapente, elle se forme aux outils de la communication de Jacques Salomé (1991), et à la sophrologie (1994). Elle découvre ensuite parallèlement le travail de Guy Corneau (2000), avec qui elle collabore dans l’équipe de Cœur.com (2005) et la Communication NonViolente de Marshall Rosenberg (2002).
Elle intègre ces approches dans sa pratique pédagogique professionnelle, et dans la relation éducative avec ses propres enfants, et en découvre toute la puissance.
Après avoir accompagné des personnes en relation d’aide et en développement personnel, et donné des formations à la communication et à la gestion du stress dans différents milieux professionnels, elle fait le choix de s’orienter spécifiquement vers la formation dans le domaine de l’éducation, car elle a mesuré d’un côté combien la violence ordinaire éducative laisse des traces de manière durable, et d’un autre combien les parents, enseignants, éducateurs, sont pleins de bonnes intentions pour les enfants qu’ils accompagnent et qu’ils manquent juste d’informations, d’outils et de soutien pour réaliser vraiment leurs intentions.
Elle a la conviction que leur donner des outils pour accueillir et accompagner en conscience l'être unique qu'est chaque enfant, c’est être dans la prévention et contribuer à ce que des enfants respectés aujourd’hui soient demain des adultes épanouis, dans une société où il fait bon vivre.
Elle donne des conférences et formations pour les parents, enseignants et éducateurs. Elle est aussi coordonnatrice CNV et éducation, pour l’ACNV (Association pour la Communication NonViolente).

 

 

 

 

 

 

Comment mettre en œuvre la loi d’interdiction des punitions éducatives en France et dans le monde ?

 

Quand Michel Meignant m’a demandée de participer à cette table ronde, j’étais très partagée : d’un côté, je suis très sensible à la violence éducative ordinaire et très impliquée pour sensibiliser les parents et acteurs éducatifs à la conscience de leurs paroles et de leurs actes et à leur apporter des outils leur permettant de vivre plus pleinement leurs intentions éducatives, et en ce sens, j’étais ravie de participer et d’apporter ma contribution à ce colloque, d’un autre, j’avais été moi même assez mal à l’aise en entendant parler à la radio du projet de loi « contre la fessée » et j’étais gênée de participer au colloque justement à une table ronde visant à soutenir cette loi. Puis, j’ai vu mes propres réticences comme une richesse que je pouvais proposer pour mieux comprendre des réticences que peut susciter la proposition de loi, et voir comment les prendre en compte. Là, je vois du sens à être là et à contribuer à l’objectif que la loi souhaite servir, qui est l’abolition de la violence ordinaire, et que j’aime plutôt nommer « promouvoir une éducation respectueuse ».

Quand j’ai entendu parler d’une loi interdisant la fessée, le mot « loi » ça supposait pour moi des sanctions si on ne respectait pas la loi. Ayant la conscience qu’un parent qui met une fessée est le plus souvent dans l’impuissance, ne sachant faire autrement, l’idée qu’il puisse être puni de ne pas avoir su faire autrement, ça n’avait pas de sens pour moi. J’avais l’impression qu’on risquait d’être dans le « tu seras puni d’avoir puni ton enfant », et de reproduire, à un niveau au dessus, ce que le parent fait quand il frappe son enfant pour lui faire comprendre que ce n’est pas bien de frapper son petit frère.
Ce n’est qu’en discutant avec Michel Meignant, puis en lisant l’exposé des motifs dans la proposition de loi, que j’ai découvert qu’il s’agissait d’inscrire la loi au code civil, et pas au code pénal, et qu’il n’y avait pas de conséquences pénales.
Et j’ai apprécié aussi d’entendre Olivier Maurel parler de la loi comme un cadre extérieur, comme un garant qui aide l’adulte à garder un cadre quand il n’arrive pas à le se le donner par lui même.

 

Proposition 1 : dans la communication à propos de la loi, communiquer plus sur

• le fait que c’est au code civil, pas au code pénal
• que l’instauration de cette loi n’implique pas des sanctions
• que c’est un cadre soutenant, pour nous aider dans les moments où on est hors de soi, à se rappeler « je veux le bonheur de mon enfant et quand je le frappe ou que je le traite de tous les noms, je nuis à son bien être, je ne suis pas en accord avec mes intentions les plus profondes »

En me penchant de plus près sur la formulation de la loi, j’étais aussi gênée par la formulation « il est interdit de ». J’imagine que la plupart des lois sont formulées comme ça. Or, je crois que
. nous alimentons ce que nous nommons, et que nous avons plus de chance d’atteindre notre but, en nommant ce que nous voulons, plutôt qu’en nommant ce que nous ne voulons pas
. les lois ne sont respectées que si elles ont du sens pour ceux la vivent, et pour cela il est important qu’elles soient reliées aux besoins qu’elles nourrissent.

De plus en plus d’enseignants, qui découvrent la CNV, utilisent ces deux principes pour élaborer avec les élèves des règles du bien vivre ensemble dans la classe, qui sont beaucoup plus respectées que le règlement imposé de l’école.

 

Proposition 2 : modifier l’écriture en prenant en compte ces 2 aspects

Proposition de loi visant à promouvoir une éducation respectueuse de l’intégrité physique et psychologique des enfants

Article 1
Les titulaires de l’autorité parentale et les personnes qui s’occupent d’enfants mineurs, conscients que les enfants ont fondamentalement besoin de respect pour grandir en étant épanouis et développer le respect des autres, s’engagent à leur donner une éducation respectueuse, excluant toute forme de violence physique, psychique et d’humiliation.

Article 2
Il est indiqué lors de l’union des parents que les titulaires de l’autorité parentale et les personnes qui s’occupent d’enfants mineurs, conscients que les enfants ont fondamentalement besoin de respect pour grandir en étant épanouis et développer le respect des autres, s’engagent à leur donner une éducation respectueuse, excluant toute forme de violence physique, psychique et d’humiliation.
Ils peuvent bénéficier de formes d’accompagnement à la parentalité (information, formations, groupe de paroles et de soutien, lieux d’accueil parents-enfants, …)

Article 3
Il est inscrit sur le carnet de santé
• que les titulaires de l’autorité parentale et les personnes qui s’occupent d’enfants mineurs, conscients que les enfants ont fondamentalement besoin de respect pour grandir en étant épanouis et développer le respect des autres, s’engagent à leur donner une éducation respectueuse, excluant toute forme de violence physique, psychique et d’humiliation
• avec des informations sur les lieux où trouver de l’informations sur les formes d’accompagnement à la parentalité existantes

 

Effectivement pour moi, une loi sans un accompagnement à la parentalité ne résoud rien, voire augmente la détresse des parents qui, au fond d’eux, souhaiteraient faire autrement et ne voient pas comment faire autrement ou n’y arrivent pas.
Dans un article pour la revue Non Violence Actualité j’avais recueilli le témoignage d’une mère « J’étais à mille lieux d’être la mère que je souhaitais être ». Ce témoignage montre qu’une loi n’aurait rien changé, et qu’elle aurait peut être même accentué le désarroi et la culpabilité de cette mère.
En me penchant de plus près sur les textes du Conseil de l’Europe, j’étais heureuse de lire qu’il y avait bien 3 volets : la loi, l’accompagnement à la parentalité positive et la communication.
Même si je suis persuadée que les 3 volets ont pour le Conseil de l’Europe la même importance, le fait qu’on commence à légiférer, sans avoir informé suffisamment de l’impact de ces manières d’éduquer et surtout, surtout sans avoir suffisamment développé l’accès à d’autres manières de faire, crée de la réaction.
Je me mets à la place de parents qui utilisent la fessée, soit parce que ça leur paraît normal dans l’éducation, qu’ils n’imaginent pas qu’une éducation sans fessée soit possible, soit parce que, bien que ne souhaitant pas l’utiliser, ils vivent des moments où c’est plus fort qu’eux, une loi interdisant les violences physiques les met en situation d’impuissance totale, acculés dans l’impasse d’être de mauvais parents alors qu’ils n’ont pas d’autre issue.

 

Proposition 3 :

• dans le discours, présenter d’abord les volets « promotion de la parentalité positive » et « sensibilisation de l’opinon publique », puis en 3ème volet des réformes juridiques
• étendre à l’ensemble du secteur éducatif
• montrer les pratiques respectueuses

Volet 1 : Promouvoir la parentalité positive, je dirais même promouvoir l’éducation respectueuse en général, car si la loi parle de « toute personne s’occupant d’enfants mineurs », la parentalité positive, elle, ne semble s’adresser qu’à la famille, or c’est dans tous les métiers d’éducation que cette promotion de l’éducation respectueuse est nécessaire : dans les formations des personnels de crèche et assistantes maternelles, des enseignants et personnels de l’éducation nationale, des animateurs des activités péri scolaires, de loisirs et de vacances, des éducateurs spécialisés, …)
car si la violence physique a globalement disparu des lieux éducatifs, les violences psychiques, faites par la non conscience des besoins de l’enfant et de l’impact de la manière de communiquer, sont très présentes.
Le fait d’étendre à l’ensemble du secteur éducatif permet que ce soit une problèmatique éducative globale, les parents en faisant partie, mais n’étant pas les seuls concernés.
Ca comprend l’information (savoir, avoir conscience), la formation (savoir faire et être autrement dans la relation éducative), et le soutien (avoir des lieux d’accueil, de ressourcement, d’accompagnement).

Volet 2 : Sensibiliser l’opinion publique
Pour moi, là aussi l’important c’est de mettre le projecteur ce que nous voulons (comment faire autrement) et pas sur ce que nous ne voulons pas (les châtiments corporels).
• montrer l’existence de manières d’éduquer et d’être en autorité, qui « marchent » sans avoir besoin de recourir à des violences physiques ou psychiques
• avec les impacts à court et long terme des différentes manières d’agir avec l’enfant

Volet 3 : Légiférer
quand on sait que d’autres voies sont possibles et qu’on y a accès, alors l’interdiction de la violence devient plus évidente

Je m’interroge quelle serait la loi qui permettrait que l’état passe à l’action pour qu’en France se mette à exister un réel accompagnement à la parentalité et pour que des approches favorisant l’éducation respectueuse fasse partie de la formation de tous les personnels éducatifs
Sur la prise en compte du handicap, un certain nombre d’actions se font aujourd’hui, parce qu’il y a eu la loi handicap.
Quel pourrait être l’équivalent pour le développement de l’éducation respectueuse ?

Sur le site du Conseil de l’Europe, quand j’ai lu la phrase « Rien ne peut justifier la violence à l’égard des enfants », tout en en comprenant l’intention, j’étais un peu mal à l’aise, car la CNV m’a amenée la conscience que la violence est l’expression maladroite et tragique de besoins insatisfaits et donc que la violence à l’égard des enfants est aussi, pour les personnes qui l’utilisent ou la justifient, un moyen maladroit et tragique d’agir au service de la vie, même si ça n’en a pas les apparences. Quand quelqu’un utilise la violence, il a de bonnes raisons de le faire. Même si je ne suis pas en accord avec le comportement de quelqu’un, la meilleure chance qu’il s’ouvre à un changement, c’est d’abord que j’entende les bonnes raisons qui l’amènent à agir ainsi.
Quand j’anime des conférences ou des formations pour des parents ou des professionnels de l’éducation, je commence souvent par un temps sur leurs intentions éducatives. « Qu’est ce que vous voulez pour votre enfant ou les enfants que vous accompagnez dans votre travail ? » Et partout les réponses tournent autour de : qu’ils soient heureux, épanouis, qu’ils sachent se débrouiller dans la vie, qu’ils sachent vivre avec les autres. Je n’ai jamais rencontré un parent ou un éducateur qui ait de mauvaises intentions pour ses enfants ou ceux dont ils s’occupent. Et ensuite quand nous observons la manière dont nous fonctionnons dans nos paroles et nos actes avec nos enfants, et que nous regardons « est ce que notre manière de fonctionner est au service de nos intentions ? », c’est plus facile d’aller explorer les impacts sur l’enfant de notre manière d’agir ou de parler, et de s’ouvrir à cette prise de conscience qu’on sait qu’on a d’abord été reconnu sur ses intentions positives. Et après la prise de conscience il y a automatiquement une demande : « comment je peux faire autrement ? »

 

Proposition 4 :

au cours de toute cette action pour l’abolition de la violence ordinaire et la promotion d’une éducation respectueuse, avoir vraiment cette conscience là, d’entendre et d’accueilir les bonnes raisons des personnes qui croient en la fessée ou d’autres formes de violence physique et psychique ou y ont recours

Concernant la sensibilisation de l’opinion publique :
Dans les relations et l’éducation, les parents et les personnes en charge d’éducation reproduisent ce qu’elles ont vu faire, et faute d’autres modèles peuvent continuer à croire que c’est le seul, alors montrons largement que d’autres modèles existent.
J’ai aimé le spot réalisé par le Conseil de l’Europe, j’ai aimé son intention, sa poésie, ses couleurs. Nous avons utilisé l’affiche pour une journée de l’éducation respectueuse dans notre département.
Pour moi, il apporte une intention, elle est importante, et elle a aussi besoin d’être relayée par du concret : comment le faire ? comment faire autrement ? comment faire pour que les mains choient au lieu de châtier ?
Il y a en CNV des petits livres pour enfants, qui apportent autant aux parents qu’aux enfants, car ils permettent aux adultes, tout en lisant l’histoire, de découvrir d’autres manières de gérer les situations du quotidien.

 

Proposition 5 :

Utiliser les compétences et les moyens de la société civile pour réaliser des films, des émissions qui montrent d’autres manières de faire, pour qu’on sache que ça existe, pour que ça inspire des milliers de parents, d’enseignants, d’éducateurs.
Aujourd’hui, je vois que la demande des parents, des enseignants est là, il n’y a pas tant à les convaincre de faire autrement qu’à leur montrer d’autres manières de faire. Et pour ça l’impact de la télévision ou du cinéma peut être important.

-tourner des spots sur le fait que c’est normal que ce soit pas évident de s’occuper de ses enfants, d’être fatigué, de pêter les plombs, avec comment trouver du soutien dans ces moments là
- montrer aussi l’aspect « prendre soin de soi pour mieux prendre soi des enfants »,
- tourner des images dans des formations, des groupes de parents
- faire des interviews de parents ou d’éducateurs qui ont changé leur manière d’être dans la relation éducative, comment s’est passé le changement, les questionnements, les prises de conscience, les étapes du changement
- montrer 3 manières d’agir d’un adulte dans une situation de conflit avec un enfant (laisser faire, éducation respectueuse, punition), avec des questionnements à chaque fois : que ressent le parent ? que ressent l’enfant ? qu’a appris l’enfant sur lui, sur l’adulte, sur la vie ?
- tourner des images dans des familles, des crèches, des établissements scolaires, des centres de vacances où une relation respectueuse fait partie du projet de vie, et est vécue au quotidien, avec des témoignages des adultes et des enfants

et dans toutes ces émissions, terminer par « c’est possible et ça s’apprend » avec un site ou un numéro de téléphone à contacter

Quand on a accès, les prises de conscience vont vite
Je suis frappée de voir comment le mot Communication NonViolente peut susciter de réactions « ça ne me concerne pas, je ne suis pas violent » tant qu’on le voit de l’extérieur, et comment la découverte de la CNV, en l’expérimentant, en suscite d’autres « je ne croyais pas être violent, et je découvre toute la violence qu’on génère insconsciemment, avec soi et avec les autres », « on devrait apprendre ça dès l’école, ça nous changerait la vie », et comment la prise de conscience et le changement dans les comportements se font vite, même si ensuite un accompagnement dans la durée est nécessaire pour que les nouvelles manières d’agir s’installent dans la durée.

Des pistes pour favoriser l’accès des parents à ces outils :
- un crédit formation à la communication attribué aux parents lors de la déclaration de grossesse
- toucher les parents par l’intermédiaire de projets globaux à l’école, qui touchent les personnels, les élèves et les parents

 

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