Jacques ROQUES

psychanalyste, psychothérapeute, praticien de la thérapie EMDR

 

 

 

 

Psychanalyste admis à l’institut de psychanalyse de Paris en 1973.
Psychanalyste – psychothérapeute à l’hôpital de Nîmes de 1975 à 1997.
Analyste des pratiques dans plusieurs institutions et notamment à l’hôpital psychiatrique du Mas Careiron à Uzès de 1985 à 1997.
Formé à l’EMDR en 1994.
Membre fondateur en 2002 avec David Servan-Schreiber et Michel Silvestre d’EMDR France.
Psychanalyste membre du groupe lyonnais depsychanalyse de 1974 à 2003.
Auteur de plusieurs ouvrages sur l’EMDR et traducteur du livre fondateur de l’EMDR de Francine Shapiro.
Psychothérapeute ARS depuis septembre 2011.
Vice-président d’EMDR France.

 

 

Psychanalyse et psychothérapie EMDR

On sait aujourd'hui, avec le recul du temps, combien l’apport de la psychanalyse a été révolutionnaire dans le cadre du champ social, durant tout le 20ème siècle. Héritant de la thermodynamique et de l’électromagnétisme qui étaient les théories dominantes à l’époque pour la physique et du modèle hypnotique qu’il avait appris à la Salpetrière de son maître Charcot, Freud, au départ, est interpellé par la pathologie de ses patients qu’il attribue d'abord à des traumatismes psychiques sexuels subis durant l’enfance de la part de proches.

Cette approche souvent blessante pour les familles, heurte beaucoup de gens et en 1897 le 21 septembre pour être exact, il abandonne l’hypothèse traumatique pour développer une théorie originale, centrée sur l’intériorité, c'est-à-dire les pulsions et les fantasmes propres à tous les humains. Il décentre donc l’étiologie des pathologies du fait extérieur : le traumatisme subi vers un universel intérieur : le fantasme et la pulsion.

Ces pulsions et ces fantasmes organisent la vie psychique. Ils constituent le primat sexuel et conflictuel caractéristique de cette théorie et notamment de son rejeton le plus célèbre : le complexe d’Œdipe.

Le fait extérieur devient superflu. La théorie s’appuie sur le primat du fantasme et de son expression langagière. Sa pratique héritière de la maïeutique socratique privilégie l’écoute. Il faut se souvenir que la maïeutique avait pour fondement une croyance en la réincarnation. Ce que l’âme avait acquis dans une vie antérieure et avant sa réincorporation pouvait être rappelé par un questionnement spécifique adapté (1).

La parole ainsi libérée au cours de la psychanalyse pouvait dès lors faire éclore non seulement une vérité essentielle inconsciente cachée, mais l’avènement d’un sujet habité par le langage. On se rappelle le célèbre aphorisme freudien : Wo es war soll Ich werden (généralement traduit « Là où le Çà était, le Moi doit advenir » par les freudiens et « Là où fut çà, il me faut advenir’’ par j. Lacan (Ecrits, p.524). Basée sur la seule vie psychique, ainsi définie, l’ancrage de cette pensée est donc purement centré sur le sujet, son épiphanie, autrement dit sur son essentialité. Nous sommes dans le registre de la philosophie, voire même dans celui irréfutable de la foi, pas de la science.

L’EMDR rompt avec cette position en remettant le phénomène au premier rang : le rapport du sujet à une causalité externe. C’est la transmission des contenus qui est prise en compte et qui s’inscrit dans l’individu. Avec l’EMDR on est dans l’existentialité.

Les contenus sont ceux de l’histoire, générale – celle qui meut les foules. On vit à telle époque à tel moment. Ils sont ceux aussi de l’histoire individuelle – je suis né dans cette famille là, tel jour à tel endroit. J’ai vécu tels ou tels avatars et pas d’autres, etc.

C’est donc une théorie et une pratique du factuel, de l’événementiel, bref, de la trace et des effets de l’extériorité dans la personne. C’est pourquoi je dis qu’elle est existentielle. Je ne dis pas existentialiste puisqu'elle n’en reprend pas les thèmes (2).

Le soin comme je l’ai dit, va donc s’intéresser à l’appareil qui reçoit l’information et au contenu de cette information.

Pour ce qui est de l’appareil, il s’agit du corps tout entier et bien entendu des réseaux de mémoires du cerveau dans laquelle on suppose que l’information est stockée d’une manière implicite/motrice pour ce qui est des traumatismes psychiques, en attente d’être remaniée. Pour ce qui est du contenu, on va surtout considérer la manière dont il est recevable et reliable avec d’autres.

Le changement de paradigme que nous appliquons à l’individu peut aussi être généralisé au corpus social.

En effet, nous savons l’effet des traumatismes. Non seulement ils font souffrir, mais ils entraînent toutes sortes de maladies et de troubles du comportement, souvent graves et dommageables pour le sujet lui-même, mais aussi pour son entourage. On ne peut jamais prédire les conséquences d’un choc traumatique. Certaines personnes ne peuvent plus exercer leur travail et s’enfoncent dans une dépression sans fond. Elles boivent, deviennent agressives, se replient sur elles-mêmes et souffrent en permanence du rejet vrai et/ou supposé qu’elles vivent de la part de l’entourage, de l’incompréhension de celui-ci relativement à leur comportement.

Le traumatisme ne touche donc pas seulement la personne elle-même, mais aussi sa famille, ses enfants. Toutes sortes de ricochets pathologiques affectant autrui sont observables en général après un traumatisme. Tout se passe comme si un événement accidentel de la vie était venu déformer l’espace psychique d’un groupe humain d’une manière durable et de proche en proche en affectant peu ou prou tout le corps social, générer de la souffrance et de la violence.

L’EMDR amène à considérer l’existence au travers de ses contingences et voit dans l’essence du sujet la simple expression d’un parcours de vie et de ses aléas, et si on se place d’un point de vue sociologique large, voit la déformation que le factuel – le traumatisme d’une personne - imprime sur tout le corps social ?


Conclusions

Incidemment l’EMDR a pour but l’avènement d’une analyse de la psyché réellement scientifique, c'est-à-dire faisant le lien entre la réflexion sur l'homme et l'observation du chercheur en sciences neurocognitives,

Là où la psychanalyse hérite peu ou prou de la maïeutique socratique - Il y a un maître qui sait et un esclave/élève qui ne sait pas qu'il sait, mais qui porte un savoir en attente de révélation en lui (3)- se substitue la dynamique de la rencontre entre deux êtres, deux alter ego n'ayant pas le même cursus de vie et susceptibles pour cela d'échanger un savoir venu d'ailleurs, dont ils sont seulement les dépositaires temporels et de s'en repaître.

Là où la psychanalyse reste à l'écoute d'une supposée parole savante enfouie sous les strates du refoulement et finissant avec le temps par en émerger, l’EMDR permet de considérer la libération par des apports extérieurs d’un homme assujetti jusque là aux aléas d’une trajectoire spatio-temporelle morbide. Cette libération est contingente et dépend des moyens employés et de leur hôte.

La psychanalyse ancienne place la cure sous le signe de la frustration, avec l’EMDR je la place sous celui du « nourrissement » chaleureux de l'Agapè. La psychanalyse se base sur le rapport indépassable, figé (mais reproductible en l'état) de la relation entre un maître supposé savoir et un élève en gestation supposé accoucher d'un savoir transcendant en lui. La psychanalyse que je propose à partir de l’EMDR prend pour modèle un banquet entre pairs, dans une auberge espagnole où à la table de la culture chacun apporte ses mets. C'est une table un peu spéciale j'en conviens, puisque on s'en relève allégé et qu'on en repart encore plus affamé de la vie, et des biens qu'elle nous offre.

Bref, la conception psychanalytique ancienne est essentielle, celle que je promeus est existentielle.

Le déplacement d’accent de l’essentialité sur l’existentialité sera probablement analogue quant à ses effets à celui qu’a permis l'émergence d'une nouvelle médecine expérimentale avec Claude Bernard et encore plus avec Louis Pasteur, bien que, rappelons-le, il ne soit pas lui-même médecin.

Il est certain que sur le chemin du savoir, l’EMDR n’est qu’une étape, un avatar de l’histoire de l’humanité. D’autres suivront et remettrons en question probablement ce qui aujourd'hui apparaît comme vrai.

Ainsi va la marche de l’homme.

Jacques Roques

 

Livres en français sur l’EMDR

- Jacques Roques, "EMDR, une révolution thérapeutique", la Méridienne, Desclée de Brouwer, Paris, 2004
- Jacques Roques, "Guérir avec l'EMDR - Traitements - Théorie – Témoignages », le Seuil, janvier 2007
- Jacques Roques, "Découvrir l'EMDR" - InterEditions - Mai 2008
- Francine Shapiro, Margot Silk Forrest, "Des yeux pour guérir, EMDR : la thérapie pour surmonter l’angoisse, le stress et les traumatismes", Couleur Psy, Seuil, Paris, avril 2005
- Francine Shapiro, "Manuel d’EMDR" – InterEditions – Mai 2007

 

Livre pour enfants

- Meignant-Ordoux Isabelle « L’EMDR de Bouba le chien » - Ed. Meignant - emdrbouba.com

 

Sites

- Emdr-france.org
- Emdrrevue.com

 

1- Cf. le Menon de Platon

2- Rappelons que l'existentialisme est un courant philosophique et littéraire qui met en avant la liberté individuelle, la responsabilité ainsi que la subjectivité. L'existentialisme considère chaque homme comme un être unique qui est maître de ses actes et de son destin. Ceci est exactement opposé à ce que je dis : l’homme, s’il est effectivement unique, est assujetti dès la naissance au milieu et par la suite à son parcours de vie. Il ne trouve une relative liberté et un pouvoir que par le partage avec ses frères humains, et par le soin. Mais celui-ci reste aussi factuel. Ceci ne veut pas dire qu’il soit dénué de responsabilité, mais que celle-ci intervient sur un autre plan.

3- Dans le Ménon Socrate par ses questions veut qu’un jeune esclave trouve la solution à la construction d’un carré ayant une surface double d’un autre, dérivée du théorème de Pythagore.


 

 
Cécile Meignant©2012 Haut de page